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QUAI D'ORSAY

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Bertrand Tavernier s'offre et nous offre une friandise assez délicieuse, subtilement acidulée, faussement légère, étrangement enrichissante, d'après les BD de Blain et Lanzac.

 

Au début des années 2000, nous partageons le quotidien du cabinet ministériel des Affaires étrangères. Le titulaire du portefeuille n'est autre Dominique De V...pardon... Monsieur Taillard de Vorms.


Ballet des conseillers, hiérarchie casse-tête (entre filières administratives et politiques) circuits de décisions à faire passer le labyrinthe du Minotaure passe un inoffensif jeu de bambin... tout se télescope, tandis qu'approchent d'inquiétantes échéances mondiales, notamment une guerre en Irak... pardon au Lousdemistan, que veulent impulser les néo-conservateurs américains, et à laquelle s'oppose fermement De V... Taillard de Vorms.

 

Le cinéaste traite son sujet par un ensemble de...

 

MAIS NON, NON, STOP !!!

Après tout, vous le verrez, le film. Parlons de la fin.

Commençons par la fin. La toute fin. La fin des fin.

 

Question solennelle à Monsieur Tavernier :

avez-vous décidé de ce générique de fin ?

 

Si oui : expliquez-moi, c'est incompréhensible.

Si non, reniez-le, de grâce, et surtout engueulez très très très fort vos producteurs.

 

Le générique de fin de Quai d'Orsay fait appel à un procédé aussi récent que ringard : le « bêtisier incrusté ». On y voit des pastilles d'images, montrant des comédiens hilares suite à des répliques loupées. Vous voyez le truc... Ce n'est pas drôle, c'est totalement sans intérêt. Et surtout, surtout... intégralement contre-productif. Ici, on assassine même littéralement la très jolie dernière scène à l'ONU, et par extension l'ensemble du propos du film : faire fleurir le sérieux derrière la caricature, les enjeux derrière la drôlerie, la dignité de la politique derrière la clownerie des procédures.

 

Assassinat d'autant plus impitoyable que Tavernier et ses acteurs sont parvenus tout au long du film à maintenir cet équilibre improbable entre le drolatique et le grave. Bref, c'est hilarant mais c'est sérieux, cela devait se conclure évidemment par la scène du discours, sans rien derrière. Las...

 

Mais oublions ces 5 minutes calamiteuses, et repensons à Thierry Lhermitte, que l'on est si heureux de retrouver dans un forme éblouissante. On attendait ça depuis longtemps. Il incarne à merveille le dédoublement des genres. Son personnage de ministre grotesque, excessif, en soif d'absolu face au roc bureaucrate, est aussi risible qu'admirable.

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Maniaque du stabylo et d'Héraclite, envoyant valser les feuille A4 en claquant trop fort la porte des bureaux où il pénètre (effet cartoonesque parmi d'autres, split screens notamment, que Tavernier a eu la bonne idée d'inscrire au cœur du film), il incarne néanmoins une grandeur, un respect des mots et du langage, une vision politique souveraine, à travers ses trois concepts-guides : légitimité, lucidité, efficacité.

Correspond-il réellement à ce que fut Villepin ? Il semblerait que oui, mais laissons cette question aux historiens et politologues, en fait on s'en fout un peu...

 

Repensons aussi à toute la clique d'acteurs, tous fabuleux. Niels Arestrup, génial en directeur de cabinet fatigué mais stoïque et résistant. Raphael Personnaz, jeune premier qui se bonifie de film en film, parfait en jeune conseiller chargé des éléments de langage et de l'écriture des discours. Thierry Frémont, Julie Gayet. Mention spéciale et personnelle à Anaïs Demoustier, craquantissime et sensuellissime dans le rôle de la jeune institutrice engagée, chérie de Personnaz.

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Quai d'Orsay est donc un ballet tout à fait recommandable, profond dans sa légèreté. La rythmique est globalement bonne et constante, même si un petit écrémage de 5 à 10 minutes pouvait s'envisager (on patine un choya aux 2/3 du film, avant la relance finale...)


Quel accueil lui réservera la critique parisienne, meilleure ennemie de Tavernier ? Nous verrons.

 

Allez-y, et surtout, vous l'aurez compris, sacrifiez votre vieux principe cinéphile, en partant vite avant la toute fin, au lancement du générique.

Histoire, paradoxalement, de... rester dans le film !

 



30/10/2013
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