mathieulabrouche

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EDITOS (parus dans le programme des Lumières)


Edito du programme 122

Chers spectateurs,

 

 

J’ai bien réfléchi, longtemps hésité, mais désormais il est temps de franchir le pas. Je mesure le risque pris, et à quel point les phrases qui vont suivre risquent de nous mettre à dos une bonne partie d’entre vous. Je mesure les conséquences possibles sur l’avenir. L’ampleur du tabou levé. Je sais la difficulté d’as- sumer un tel positionnement.

 

Pourtant, pourtant, et parce que le temps en est venu, je l’affirme enfin haut et fort : non, on ne va pas au cinéma pour «s’évader» !

L’idée est pourtant établie, solide, répétée, aussi ancrée qu’un théorème scientifique. Aussi inéluctablement que le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés (Pythagore, petite révision gratuite pour les vieux et les nuls !), nous irions donc au cinéma «pour nous évader». FAUX !

Bien évidemment, en son sens le plus réducteur, nous pouvons comprendre ce qui motive la sentence : en salle obscure, en immersion dans un film, nous oublions un peu les soucis concrets du quotidien. Une parenthèse éphémère, oui, un «divertissement» (au sens large), mais aucunement une «évasion».

Aggravons maintenant notre cas en affirmant ceci : le cinéma, c’est le contraire de l’évasion. Ce qui se joue en nous lorsque nous visionnons un film est à l’exact opposé d’une évasion.

Levons-le voile, expliquons-nous : n’ayez crainte, aucune conceptualisation philosophique compliquée n’est né- cessaire. La chose se résume ainsi, claire, limpide : on ne s’évade pas de soi-même.

Quiconque souhaite «s’évader» de lui-même pourra dé- livrer tous les efforts du monde, il n’y parviendra pas. Il restera-lui-même, rien que lui-même, jusqu’à son dernier souffle. Y compris, donc, face à un film dans une salle obs- cure, à côté d’autres spectateurs qui eux aussi ne resteront qu’eux mêmes et rien qu’eux-mêmes, jusqu’à leur dernier souffle.

Et puis pourquoi vouloir s’«évader» ? Serions-nous si affreusement prisonniers ? Cette façon de voir est bien triste...

 

Non, au cinéma, chers spectateurs, nous nous retrouvons. A la rencontre de nous-mêmes. Ce qui se projette sur l’écran, au delà des signaux lumineux, ce sont nos désirs, nos craintes, nos doutes, nos espoirs, nos fantasmes... Ce sont nos «démons», nos pulsions plus ou moins avouables que l’on évacue (pourquoi donc les thrillers, les films de peur, d’horreur ont-ils autant de succès ?...). Ce phéno- mène s’opère à la fois individuellement et collectivement : ainsi certains films, sans être des chefs d’œuvres, font ex- ploser le box office parce qu’il entrent en écho avec des attentes et préoccupations sociales largement partagées. De nombreux auteurs ont réfléchi sur cet aspect irrémédiablement «hypnotique», cathartique, psychanalytique (malgré nous) du Septième Art*.

 

Alors en Octobre, venez nous retrouver, venez... vous retrouver aux Lumières !

 

 

Mathieu LABROUCHE

Le programme 122 à consulter et télécharger


20/09/2013
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