mathieulabrouche

mathieulabrouche

AFRIK'AÏOLI

Afiche afrik'aioli.jpg

Christian Philibert et sa bande d'Espigoule ne se reconnaissent pas dans le cinéma français actuel, avec d'un côté ses grosses productions, et de l'autre son auteurisme gonflant.

Ils veulent faire autre chose.

 

Je ne mets pas de guillements, faute de certitude sur les termes, mais c'est en substance ce que le cinéaste à confié au public des Lumières, venu remplir la salle ce Mercredi 18 Septembre lors de l'avant-première d'Afrik'Aïoli, « suite » des Quatre Saisons d'Espigoule.

 

Christian Philibert joint les actes à la parole. C'est le moins que l'on puisse lui reconnaître.

Le voici donc embarquant Momo et son pote Jean-Marc, le barman retraité  d'Espigoule, le temps d'un voyage au Sénégal, à la rencontre de Modou, leur fantasque chauffeur de taxi qui doit les accompagner, bon an mal an...

 

Ainsi, le film se « fait ». Car Christian Philibert « fait » ses films. Comme Cassavetes et sa bande « faisaient » les leurs (les premiers tout au moins).

 

Afrik'aïoli n'est pas un film « réalisé », mais généré. Au fil d'un voyage. Tourné dans l'ordre. Entre écriture et instants présents. Trames et impros. Docu et fiction. Ce n'est pas un film « joué ». Les acteurs y sont de fait merveilleux. Exceptionnels. De toute façon, les acteurs ne sont jamais meilleurs que lorsqu'ils arrêtent de « jouer « … Vaste champ de réflexion, mais restons au Sénégal...

 

Afrik'aïoli est une œuvre qui accouche d'elle-même en temps réel, gagne au densité au fil des séquences, se fait son épaisseur de minute en minute. Dans la sincérité, dans la complicité et la complétude, tant l'on devine que ce qui se joue à l'écran s'est aussi joué aux mêmes moments derrière la caméra.

 

Il faut bien le dire, Jean-Marc et Momo agacent, au début, durant 20 bonnes minutes. Ils agacent avec leurs regards jamais méchants, mais tellement pollués de préjugés sur l'Afrique. Ils se complaisent dans une forme de racisme bon-enfant, non conscient de lui-même, qui peut inquiéter, qui m'a moi-même un temps inquiété. J'ai en effet commis l'erreur la plus idiote qui soit : confondre le propos du film avec celui de ses personnages...

 

Car évidemment, les choses se mettent à évoluer, les relations se complexifient, les réalités de chacun s'entrecroisent plus lisiblement. Mais elles evoluent sans effet, sans affect fabriqué, sans message « humaniste » hyper-écrit dont nous gavent tant de films bien-intentionnés cherchant à dénoncer les « clichés ». Le scénario (car scénario il y a) est bien plus malin, souvent même sans concession. Le coup de foudre de Momo envers un belle et jeune danseuse, cette histoire d'amour présumée ainsi que sa résolution (mais chut...) illustrent toute l'intelligence du propos.

 Afrika 3.jpg

Les « clichés »... J'adore ce concept de cliché, je lui accorde bien plus d'importance, de saveur et de pertinence que celles que l'on veut bien lui accorder. Le cliché n'est pas la bêtise. Le cliché est un filtre de représentations premières dont nous sommes TOUS encombrés. Le cliché est culturel.

 

Christian Philibert ne renie pas les clichés. Bienveillant, ils les accueillent, accentuant la dimension « marseillaise » de ses personnages, au regard de la popularité de la cité phocéènne au Sénégal. Tout y passe donc : les amitiés se noueront dans le partage d'un aïoli, d'un match de l'OM (sur une télé pourrie), d'une partie de pétanque...

 

Côté africain, magouille et système D se joignent au flegmantisme et à la nonchalance.

Tout y passe, et l'on s'en régale.

 

Le croisement s'authentifie, les liens se nouent à mi-film, le temps d'une séquence « clip » sur la chanson Le Marché du soleil, par les amis du Massilia Sound System. La célébration de Marseille fusionnant avec les saveurs de l'Afrique. C'est dansant, c'est beau.

Afrik'aioli 1.jpg

Au cinéma, préférons toujours, et de très loin, celui qui reconnaît et accueillent les clichés, à celui qui tout à ses poses et ses postures, feint de ne pas en avoir. Hélas les seconds sont bien plus nombreux...

 

Afrik'Aïoli est un film simple et non simpliste, où la rencontre se fait sans fard, un film qui n'est pas autre chose que ce qu'il est, tout en restant dans le souci de la maîtrise formelle.

Car c'est du vrai beau cinéma, les plans sont léchés, la lumières chatoyante, le montage intelligent et fin.

 

C'est un film aussi et surtout extraordinairement drôle. Infiniment plus drôle que n'importe quel comédie calibrée. On rit aux éclats. Vraiment.

Afrikaioli 2.jpg

J'espère de tout cœur me tromper, mais je crains qu'Afrik'aïoli se fasse torpiller par une (bonne) partie de la critique, qui n'y verra que « clichés ». Je crains qu'il ne se heurte à une terrible condescendance.

 

Pour quelles raisons ? Pour tout ce que je viens de dire, mais via une lecture à l'envers...

J'espère me tromper... Rendez-vous en Janvier...



20/09/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour